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Pour une résistance oisive – Jenny Odell

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Pour une résistance oisive – Jenny Odell

L’auteure

Jenny Odell est une artiste et écrivaine américaine, professeure d’arts et de design à l’université de Standford. Son travail artistique repose essentiellement sur des objets et images existants, qu’elle replace en contexte.

Le propos

Dans son livre How to do nothing. Resisting the Attention Economy (en français : Pour une résistance oisive : Ne rien faire au XXIe siècle), Jenny Odell explore des moyens de résister à l’économie de l’attention en revenant sur des choses finalement toutes simples.

Pour elle, un rejet complet des technologies n’a pas de sens car cela équivaut à rejeter la responsabilité que nous avons, tous et toutes, envers notre société (c’est-à-dire celle de la co-construire). Et le monde a plus que jamais besoin de personnes qui observent et participent, prennent de la distance (car cela reste nécessaire) et puis, reviennent. Résister à l’économie de l’attention, c’est faire des pas de côté réguliers pour devenir plus responsable et critique du présent.

La résistance, pour Jenny Odell, se construit à la fois individuellement et collectivement. En choisissant, par exemple, de prêter ensemble une attention profonde à un sujet commun, mais aussi aux uns et aux autres. Attiser sa propre curiosité, regarder autour de nous avec un objectif de découverte infinie, éteindre notre mode automatique, voilà ce qui constitue la résistance à l’économie de l’attention. Les alternatives à l’économie de l’attention ont toujours existé autour de nous, il ne faut pas regarder très loin pour détourner notre attention des écrans. Elle énonce la relation entre discipline, volonté et attention : pour porter son attention à quelque chose, il faut le vouloir et y consacrer un effort, une intention consciente. C’est pourquoi se réapproprier notre attention nécessite des ajustements et des efforts répétés et conscients.

C’est ainsi que Jenny Odell nous expose au concept du biorégionalisme : l’observation et la reconnaissance de ce qui pousse où l’on se trouve, et des relations qui s’y développent (entre humains mais également entre humains et non-humains, et entre non-humains). D’où vient la pluie qui tombe au-dessus de notre tête ? Pas la pluie en général, mais cette pluie-là, précisément ? À l’instar de sa démarche artistique, l’intention générale de Jenny Odell est en fait de rechercher du contexte : c’est bien ce à quoi aspire le biorégionalisme. Et c’est précisément ce qui manque cruellement à la dynamique des réseaux sociaux. Et la narration de ses expériences, découvertes et constats sont d’une profondeur et d’une inspiration rares (on pense notamment à l’arbre sans utilité et au couple de corneilles).

Notre avis

Le propos est brillamment construit et illustré de nombreux exemples, références et appuis philosophiques. Un tour de force inspirant et excellemment présenté !

Extraits (traduits)

Le méchant de l’histoire n’est pas nécessairement Internet, ni même l’idée des réseaux sociaux. C’est la logique envahissante des réseaux sociaux commerciaux et leur intérêt financier à nous garder dans un état rentable d’anxiété, de convoitise et d’inattention. (p. 13)

L’explorateur qui ne revient pas ou ne renvoie pas ses vaisseaux pour raconter son histoire n’est pas un explorateur, ce n’est qu’un aventurier. […] De même que j’ai besoin de quelqu’un d’extérieur pour observer chez moi et dans mon écrit ce que je ne peux voir seule, la société a elle aussi besoin du point de vue de ses marginaux et reclus, de leur éclairage sur des problèmes et des possibilités qui ne sont pas visibles de l’intérieur. (p.98)

Prêter attention à une chose équivaut à résister à prêter attention à d’autres choses. (p.81 VO)

Alors que l’économie de l’attention dégage du profit en nous gardant piégés dans un présent plein de craintes, nous risquons l’aveuglement au contexte historique en même temps que notre attention est arrachée à la réalité physique de notre environnement. (p.165-166 VO)

Et si nous dépensions plutôt cette énergie à dire les bonnes choses aux bonnes personnes au bon moment ? Si on passait moins de temps à crier dans le vide et à être inondés de cris en retour, et plus de temps à parler dans des lieux/pièces à ceux à qui nous dédions nos mots ? (p.176 VO)

Pour aller plus loin

  • Une intervention de type Ted Talk de Pauline Oliveros sur l’écoute profonde (Deep Listening).
  • Joshua Meyerovitz, No sense of place: the impact of electronic media on social behavior. a été ajouté à notre liste de lecture.
  • Veronica Barassi, Social media, Immediacy and The Time for Democracy.