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Les 6, 7 et 8 février étaient des journées mondiales sans smartphone, et celle sans Facebook suivait de peu, le 28 février.

Pour nous, ces journées ont été l’occasion de vous lancer des défis ! Pouviez-vous rester quelques instants, heures, jours, sans smartphone ? Pouviez-vous boycotter Facebook le temps d’une journée ? Quel(s) effet(s) ces défis ont-ils eu sur vous et vos habitudes de connexion ? Voici quelques retours d’expérience de Pierre-Paul, Aurélie et Delphine !

1) Le point de départ : quelles sont/étaient vos habitudes connectées – quoi, quand, combien de temps et pourquoi ?

Pierre-Paul

Mes habitudes (assuétudes ?) sont apparues, il y a 22 ans. Mon travail demandait de plus en plus de travailler en ligne et parallèlement, la maîtrise ainsi acquise rejaillissait sur ma vie privée. La nécessité de se connecter depuis un poste de travail fixe limitait le temps que j’y passais. L’arrivée des PC portables, puis des smartphones aujourd’hui plus puissants que les PC de l’époque a accéléré le mouvement. Actuellement, mes statistiques de connexion me semblent exagérées. Je passe de 40 à 120 minutes par jour sur une application en ligne : recherches sur internet, sites de cartographie, contenus vidéo sur YouTube, Instagram, WhatsApp (j’ai réduit les groupes auxquels je participais) et écoute de musique (que je ne comptabilise pas puisque la musique n’interdit pas d’avoir une activité simultanée).

La question du « pourquoi ? » me semble compliquée : évidemment l’utilisation d’applications-outils facilite un tas de choses, comme la recherche d’infos, la communication, les réunions, la préparation de voyages… Me concernant, je me rends compte que la découverte d’applications parfois surprenantes, très puissantes, presque « magiques » peut provoquer une dépendance. Il m’arrive de m’émerveiller et de jouer à les utiliser. Ça n’a qu’un temps, mais d’autres prennent le relais. Il m’arrive de gaspiller du temps à découvrir les possibilités d’une appli. Enfin, c’est à la lecture d’infos et de tutos ainsi qu’aux photos sur Instagram que je consacre le plus de temps depuis que je ne travaille plus.

Aurélie

Je suis une grande consommatrice de mon smartphone, je me promène sur Facebook principalement, même si je ne poste pas grand chose. L’utilité première est Messenger, je discute beaucoup et, le soir, j’utilise Netflix avant de m’endormir…

Delphine

Je me connecte sur Instagram et Facebook par réflexe dès que je me pose… Je vais sur les sites de ventes promotionnelles (Veepee, etc). Et je joue à un petit jeu genre « Candy Crush » presque tous les jours.

2) L’intention : qu’est-ce que vous voudriez changer ?

Delphine

J’ai pensé plusieurs fois à désinstaller Facebook mais je n’y arrive pas.
J’aimerais aller maximum une heure par jour sur mon téléphone, perdre le réflexe de le trimbaler partout, car cela me donne une sensation de perte de temps.

Pierre-Paul

La recherche d’immédiateté dans la réponse aux questions que je me pose, m’amène souvent, quoi que je fasse, à plonger sur les moteurs de recherche. C’en est devenu maladif. On parle de la Lituanie aux infos, je cherche illico la situation, la capitale, le type de régime, les ressources… Évidemment, c’est intéressant, mais trop, c’est trop.

Aurélie

J’aimerais vraiment me déconnecter plus souvent et me remettre à faire des choses que j’apprécie : lire, bricoler dans mon atelier, aller marcher… J’ai beaucoup de tri à faire ! J’ai malheureusement 3 côtes cassées en ce moment et je suis limitée dans mes activités, mais je vais vraiment essayer d’oublier un peu mon téléphone…

3) Pensez-vous passer trop de temps sur les réseaux sociaux, au-delà du smartphone ?

Pierre-Paul

Un peu trop, mais pas tant que ça. C’est variable. Je n’ai pas de mal à m’en passer. Je n’utilise qu’Instagram et WhatsApp.

Delphine

Non, lorsque je vais sur mon ordinateur ou ma tablette, je ne consulte pas les réseaux, je me l’interdis.

4) Les journées mondiales sans smartphone, le vécu du défi

Pierre-Paul

J’avais mis mon téléphone en mode « hyper économie d’énergie« , ce qui bride énormément ses capacités. Je pense avoir pris mon smartphone en main au moins 30 fois le premier jour. L’écran noir du smartphone bridé me renvoyait au défi et cette balise m’a aidé. Je n’avais laissé que le tel, les SMS, le CST et les mails (que je ne relevais qu’une fois, en soirée, sans répondre sauf urgence). En gros ça ne m’a pas trop frustré. Au contraire, ça objective que la vie à l’écart du monde numérique est très belle, saine et intéressante.

Aurélie

Cela a été très compliqué pour moi, le dimanche, je me suis déconnectée car j’étais occupée le laps de temps prévu, mais j’avoue que je ne me suis pas déconnectée le mardi… pour quelle raison ? J’ai tout simplement oublié…

Delphine

Je me suis sentie bien ! Libre ! J’ai fait plein de trucs ! J’avoue que j’ai un peu redouté de ne pas recevoir certains messages et puis, je me suis souvenue que cette obligation d’être disponible H24 me saoule… Je vais le refaire ! Le dimanche sera un jour non connecté, ou le moins possible. J’aimerais aussi perdre l’habitude de consulter mon GSM au réveil.

5) Quelle est la suite pour vous ? Est-ce à refaire ?

Pierre-Paul, 8 février, 23h47

Je ne vais pas tarder à me reconnecter, enfin, pas tant que ça.
L’expérience m’amène à avoir envie de trouver un moyen de cadrer l’utilisation de mon smartphone pour la limiter selon des priorités et un horaire.

Le réflexe, la main tendue vers le smartphone pour rechercher une info, pour accorder une guitare, pour chercher mon chemin, pour voir l’actu, les publications sur Instagram, les mails, WhatsApp, etc. a été très fréquent. Fréquent mais pas trop frustrant. J’avais mis mon smartphone dans un mode limitant son fonctionnement. Je crois que je vais laisser presque toutes les notifications silencieuses. Recommencer l’expérience, pas forcément. Mais mettre de l’ordre dans la façon dont j’utilise mon smartphone, ce que j’en fais, semble indispensable.

Delphine

Oui je vais recommencer ! Je veux récupérer du temps de cerveau, c’est tellement chronophage et inutile de scroller pendant des heures. Et puis, comment demander aux gosses de ne pas exagérer avec le smartphone si je le fais aussi… l’exemplarité !

6) Avez-vous autre chose à partager ?

Pierre-Paul

Merci pour l’idée. Je voudrais suggérer à toutes les personnes qui ne peuvent s’empêcher de conduire en tenant le smartphone à l’oreille de s’obliger à laisser leur appareil dans leur sac, leur coffre ou leur boîte à gants : cette courte déconnexion rendra la route vraiment plus sûre.

Delphine

Merci pour votre initiative ! On ne se rend pas compte du danger que ça représente et, par extension, du danger lié aux réseaux « sociaux ».

Conclusion : pourquoi participer aux journées mondiales sans smartphone ?

Le « danger » que mentionne Delphine peut paraître un terme fort, pourtant il est réel. Le modèle économique sur lequel sont basés la plupart des réseaux sociaux et des applications est le suivant :

Plus les utilisateurs passent de temps sur le réseau/l’application, plus leur attention peut être attirée par de la publicité ou du contenu d’influence. Pour ainsi obtenir le plus de temps de cerveau disponible, les concepteurs de ces réseaux les ont élaboré en se basant sur des principes de neuromarketing qui cherchent à provoquer l’addiction des utilisateurs. C’est ce qu’on appelle l’économie de l’attention.

Si vous êtes accro à votre écran, votre téléphone, Netflix, les séries ou les réseaux sociaux, ce n’est pas un hasard. C’est parce que ces produits sont conçus pour vous rendre dépendants. Le like de Facebook, par exemple, est une récompense aléatoire, au même titre que les machines à sous des casinos. Les impacts de ce type de modèle économique sont nombreux, en voici quelques uns :

  1. Social : la filtration des relations sociales par un écran entraîne leur polarisation et donc, leur appauvrissement. Nous sommes des êtres profondément sociaux, avec des besoins de communiquer en trois dimensions, et de manière verbale, paraverbale et non-verbale. Jaron Lanier explore certaines de ces conséquences sociales, mais également politiques et philosophiques.
  2. Économique : à qui profite cette économie de l’attention ? Aux annonceurs et aux gros portefeuilles (entreprises, politiques) qui payent pour exercer leur influence sur les internautes, mais de manière beaucoup plus opaque et pernicieuse que le traditionnel média de masse qu’est la télévision (le smartphone est comme une mini-télévision que l’on a partout sur soi, tout le temps). De plus, le marché de l’économie de l’attention est détenu par 5 entreprises qui en entretiennent le monopole, les GAFAM. Le livre de Bruno Patino est une excellente entrée en matière sur l’économie de l’attention.
  3. Environnemental : digitaliser le contenu n’équivaut certainement pas à le dématérialiser, ni à le rendre plus écologique. Selon un rapport de Carbon Trust, regarder une heure de streaming équivaut à parcourir 430m en voiture, dépensant ainsi 56gCO2e. Ce chiffre donne le tournis si l’on ajoute que chaque minute, 70 000 h de films et séries sont regardées sur Netflix dans le monde (F. Bordage, Tendre vers la sobriété numérique, 2021, p.10) ! Cet excellent article de Notre Planète reprend d’autres impacts chiffrés de l’utilisation de Netflix. Les livres « L’enfer Numérique » de Guillaume Pitron et les livres de Frédéric Bordage (un jour, ils seront dans la bibliothèque, promis !) apportent un point de vue éclairant sur cette question.
  4. Psychologique : la mise en représentation constante, la création et l’entretien d’identités virtuelles, entraînent une compétition, des tendances à la comparaison et à la distorsion entre ce qui est virtuel, présenté, et ce qui est réel. Pour en savoir plus, nous vous invitons à lire les livres de Sherry Turkle (ex. Alone Together, bientôt dans la bibliothèque).
  5. Cognitif : des docteurs, scientifiques et chercheurs en neuroscience (dont le plus engagé est Michel Desmurget), lancent depuis plusieurs années des signaux d’alarme sur les effets des écrans sur le développement du cerveau chez les jeunes enfants, mais également sur les adolescents et les adultes.

Nous pourrions énumérer encore bien des exemples d’impacts interpellants : au niveau individuel, social et sociétal. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter les ouvrages, vidéos, et documentaires que nous essayons de recenser régulièrement dans la bibliothèque. Et si l’expérience de la déconnexion vous tente, allez jeter un œil à notre agenda ! A titre individuel, cet excellent ouvrage sur le minimalisme digital peut vous accompagner dans votre démarche. Tout retour d’expérience est le bienvenu !

 

Et si les journées mondiales sans smartphone devenaient aussi récurrentes que des non-anniversaires ? Des dimanches, des x heures par jour, des quand on veut autant qu’on veut ? Alors, à bientôt, hors ligne ?